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    Diététique comportementale
    Aymeric de Poyen - Diététicien Nutritionniste
    Prendre soin de vous, tout en faisant la paix avec votre corps et vos envies.

Que devient la graisse que l'on perd ?

Le 03.11.2017



De l'énergie ? de l'eau ? de l'éther ? de la chaleur ?

Les méthodes de perte de poids pullulent dans les médias et sur internet. On avance régulièrement de nouvelles théories sur les meilleures astuces pour perdre nos kilos superflus. Pourtant, une grande majorité de la population, et même un grand nombre de professionnels de la santé, n’ont aucune idée du devenir de la masse adipeuse qu’on perd [1]. En quoi se transforme-t-elle ? Comment quitte-t-elle le corps ? Retour sur ce pseudo-mystère qui n'en est pourtant plus un depuis longtemps.
Perte de poids : que devient la graisse perdue une fois brûlée ?

Tout d'abord : c’est quoi, le gras ?
Avant de se demander comment on le perd, voyons déjà qu’est-ce qu’on perd. Les graisses que nous stockons dans notre corps sont constituées de milliards de molécules, qui ressemblent généralement à ça :

Triglycéride, constituant de nos réserves de graisse dans le tissu adipeux

On les appelle les triglycérides. Ces triglycérides sont composés de trois types d’atomes : carbone (C sur le schéma), hydrogène (H) et oxygène (O). On voit qu’il y a énormément d’atomes d’hydrogène, beaucoup de carbones, et quelques oxygènes. Pas de panique ! Inutile de rentrer dans des détails compliqués pour comprendre la suite.




Comment l’organisme utilise-t-il ce gras ?
Lorsque l’organisme déstocke ces triglycérides pour en tirer de l’énergie, il leur fait subir une impressionnante série de réactions chimiques qui réagencent totalement les atomes entre eux, les découpent, les triturent, pour au final arriver à deux produits finaux : l’eau et le gaz carbonique.
Et bien sûr, toutes ces réactions auront permis de tirer l’énergie « stockée » dans la graisse, énergie qui sera ensuite utilisée par le corps pour toutes sortes de mécanismes (la contraction musculaire, par exemple).

Pour mieux visualiser la chose, pensons à une centrifugeuse à jus. On y met ses fruits (comme les triglycérides), et elle tourne à toute vitesse pour extraire le jus (l’énergie). Une fois l’opération achevée, il reste la pulpe et les fibres du fruit (l’eau et le gaz carbonique). D’ailleurs, il se trouve qu'une importante série de réactions qui a réellement lieu dans le corps (le cycle de Krebs) ressemble véritablement à une centrifugeuse (pas la peine d'essayer de déchiffrer ce schéma, c'est juste la forme qui est intéressante !) :





Cycle de Krebs, une des étapes du catabolisme des acides gras pour produire de l'énergie

Bref, revenons-en à nos « déchets » suite à l'ensemble de ces diverses réactions (dont le schéma ci-dessus ne représente qu'une partie) : l’eau (H2O) et le gaz carbonique (CO2). On voit qu’ils comportent les trois types d’atomes constitutifs des triglycérides (carbone C, hydrogène H, oxygène O) : tout le monde est là. Voilà donc en quoi notre organisme transforme la graisse une fois qu’il l’a « brûlée » (pour reprendre le langage courant).

Mais le poids dans tout ça ? Comment on le perd ?
Comme tous les atomes composant ces triglycérides se retrouvent dans l’eau et le gaz carbonique finaux, il n’y a aucune perte de matière au cours de cette transformation à l'intérieur du corps. 10 kilos de graisse « brûlée » donneront 10 kilos de CO2 et d'eau (plus exactement : 8,4 kg de CO2 et 1,6 kg de H2O d'après les estimations scientifiques[1], donc très majoritairement du gaz carbonique, et un peu d'eau).

Ensuite, le CO2 passe dans le sang et est expiré par les poumons. En d’autres termes, une grande partie (84% !) du poids qu’on perd quitte notre corps par la respiration ! Les atomes de carbone (C) de notre molécule de triglycéride sont ainsi complètement évacués par cette voie, tout comme une partie de l’oxygène (O), sous la forme ce CO2 [2].

A chaque expiration, on perd un peu de poids.


Le corps est composé en majorité d'eau. Ne la perdons pas pour perdre du poids...
Le reste des atomes d'oxygène (O) venant des triglycérides qui n'ont pas été expirés sous forme de CO2 s'allient avec l’hydrogène (H), pour former de l’eau (H2O) [2]. C’est ce qu’on appelle de l’eau métabolique.
Produite en quantités modestes à partir de la graisse (car elle est essentiellement issue de l’oxygène que nous respirons et ne représente qu'environ 16% de la masse graisseuse brûlée) [2][3], elle va se mélanger progressivement, comme une goutte dans l'océan, au reste de l'eau que contient le corps humain (et qui peut représenter jusqu'à environ 70% du poids total d'un humain [4], soit plus de 45 kg pour un individu de 70 kg). Etant donné que l'eau totale contenue dans le corps se renouvelle petit à petit, cette eau métabolique originaire des graisses brûlées finira elle aussi par être évacuée, sous forme d'urine, de transpiration, de vapeur, de larmes, etc., pour être remplacée par de l'eau nouvellement ingérée.


Et alors ? Quel est l'intérêt de savoir tout ça ?
Et alors, cela signifie qu’un certain nombre de légendes urbaines peuvent être définitivement évacuées, elles aussi. Par exemple :

  • Transpirer le plus possible pour maigrir. On continue de voir des joggeurs emmitouflés dans plusieurs couches de vêtements en plein été, qui pensent ainsi pouvoir maigrir plus rapidement. Ca ne marchera pas ! Comme on vient de le voir, seule une très faible proportion de l’eau que contient notre organisme provient véritablement des graisses. Et encore, cette eau ne comporte que les atomes d’oxygène (très peu nombreux dans un triglycéride) et les atomes d’hydrogène (extrêmement légers) qui constituaient la graisse. Les atomes de carbone, qui représentent l’essentiel du poids des triglycérides, ne sont pas évacués sous forme d’eau mais de CO2. En d’autres termes : non seulement transpirer volontairement ne favorise pas la perte de masse grasse, mais en plus cela déshydrate purement et simplement l’organisme, ce qui n’est évidemment pas la meilleure chose à faire.
  • La transpiration et les drainages font perdre de l'eau, pas de la graisse ! Le poids sera repris sitôt réhydraté...

  • Les purges détox, produits drainants, substances diurétiques et autres joyeusetés de ce type vous feront perdre exactement la même chose : essentiellement de l’eau, c’est-à-dire du H2O, mais pas de carbone, donc très peu voire pas de masse graisseuse.

    Le sport fait perdre du poids par dégagement de dioxyde de carbone d'origine alimentaire...
    En revanche, comprendre comment la graisse est brûlée par le corps permet de se rendre compte « par A + B » à quel point l'activité physique peut jouer un rôle important dans la perte de poids… Se dire qu'à chaque expiration, on perd un peu de poids, offre une perspective nouvelle et rafraîchissante sur la question. Bien sûr, le carbone et l’oxygène expirés sous forme de CO2 peuvent venir d’autres macronutriments que les lipides (notamment les glucides et les acides aminés), selon une proportion qui varie en fonction de l’intensité de l’effort physique, de sa durée, et naturellement, de chaque individu. Toujours est-il que plus on expire de CO2, plus il y a de chances qu’au moins une partie du carbone et de l’oxygène expirés proviennent de la graisse, et correspondent donc à une perte de poids « saine », c’est-à-dire une perte de masse grasse.


    Donc si je respire plus vite, je vais perdre du poids ?
    Respirer plus vite apportera plus d'oxygène (et même trop) à l'organisme, mais ne le fera pas produire plus de CO2 pour autant : ce serait prendre le problème à l'envers ! C'est en favorisant la production de CO2, et non son évacuation, qu'une perte de poids pourra éventuellement être encouragée. Même si, on le sait déjà, le sport devrait rester un loisir au service du bien-être et non du contrôle du poids.



    SOURCES
    [1] Meerman Ruben, Brown Andrew J. When somebody loses weight, where does the fat go? BMJ 2014; 349 :g7257 (en anglais).
    [2] N. Lifson, G. B. Gordon et al. The fate of utilized molecular oxygen and the source of the oxygen of respiratory carbon dioxide, studied with the aid of heavy oxygen. The Journal of Biological Chemistry 180, 803-811 (en anglais).
    [3] Askew, E.W. 1996. Water. Pp. 98-108 in Present Knowledge in Nutrition, E.E.Ziegler and L.J. Filer, Eds. Washington, DC: ILSI Press.
    [4] P E Watson, I D Watson, and R D Batt. Total body water volumes for adult males and females estimated from simple anthropometric measurements. Am J Clin Nutr 1980 (en anglais).


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